Τετάρτη 20 Οκτωβρίου 2010

Sofia-Djeddah, ou l’islam des Balkans


20 octobre 2010
De Sofia, il n’y a pas de vols directs pour Djeddah. Mais il suffit d’aller à Istanbul, et là on n’ a que l’embarras du choix pour rejoindre la deuxième ville d’Arabie saoudite, située sur les bords de la Mer rouge. Depuis le 5 juillet 2010, la Turkish Airlines, a même augmenté la fréquence de ses vols en direction de Djeddah, passant de 14 à 18 vols hebdomadaires. Et c’est ce qu’ont fait les trois hauts représentants de la communauté musulmane bulgare qui se sont rendus, le 17 octobre, au siège de l’Organisation de la conférence islamique pour y rencontrer son secrétaire général, Ekmeleddin Ihsanoglu. Ce dernier étant de nationalité turque, il a pu ainsi parler dans sa langue avec le grand mufti de Bulgarie, Moustafa Hadji, le président du Haut conseil spirituel musulman, Shabanali Ahmed et le député Remzi Osman, chef du groupe parlementaire du Mouvement pour les droits et les libertés (MDL). Les musulmans de Bulgarie, qui représentent entre 15 et 20 % de sa population, sont essentiellement turcophones - on les appelle même les “Turcs” - tout comme le MDL qui, depuis 1989 défend leurs intérêts, est qualifié de “parti turc” même si bon nombre de ses responsables sont bulgares et que le mouvement se fasse aussi, avec plus ou moins de succès, l’avocat des Roms musulmans.
Car dans les Balkans (en Bulgarie, mais aussi en ex-Yougoslavie et en Albanie) vivent d’importantes communautés musulmanes qui, à la différence de l’Europe occidentale, ont toutes la particularité d’être endogènes : vestiges de l’Empire ottoman, ces musulmans plutôt assimilés, sont là depuis des siècles. Et ils font partie intégrante du tissu social, de la culture, de l’histoire et des mœurs de ces pays - quoi qu’en disent les nationalistes et autres xénophobes locaux qui essaient régulièrement de les présenter comme un “corps étranger” à leurs nations glorieuses… Dans ce tableau, d’une passionnante complexité, la Bulgarie présente la particularité d’être, à ce jour, le seul pays membre de l’Union européenne de la région. A ce titre, c’est grâce à Sofia que les institutions européennes ont vu arriver leurs premiers “Turcs” : depuis 2007, le MDL dispose aussi de plusieurs députés au Parlement européen. (Ce qui n’est pas forcément un prélude à l’adhésion de la Turquie !). Mais c’est surtout chez-eux, en Bulgarie, que ces musulmans sont bien représentés : grâce au MDL, ils ont été des partenaires incontournables de presque toutes les coalitions gouvernementales qui se sont succédés depuis la fin du communisme. Et peu importe qu’il soit aujourd’hui dans l’opposition, leur leader historique, Ahmed Dogan - qui commence à avoir quelques (petits) soucis avec la justice - se vante volontiers d’être “l’instrument du pouvoir” par qui passe la distribution des richesses dans le pays.
“Guerre des muftis”
Cette réalité toute en nuances vaut néanmoins à la Bulgarie d’être considérée comme un des pays les plus tolérants, voire comme un exemple de cohabitation pacifique entre ethnies et religions dans les Balkans - ce qui au vu des désastres yougoslaves est plus que logique. Mais à Djeddah, ses responsables musulmans ont délivré un son de cloche quelque peu différent. “La Bulgarie ne traite pas sur un pied d’égalité ses citoyens chrétiens et musulmans”, a estimé le grand mufti bulgare Moustafa Hadji, cité par Arab News. Il s’est aussi inquiété de la confiscation par l’Etat des terrains et des propriétés appartenant à la communauté (le Wakf), le tout sous couvert de lutte contre l’islamisme. “Quelque 130 mosquées sur les 1 430 que compte le pays ont été fermées sans raison valide”, a-t-il dit rappelant que “l’anti-islamisme était à la mode actuellement” en Bulgarie. Est-ce la raison pour laquelle cette visite n’a pas fait l’objet d’une seule ligne dans la presse de Sofia ?
En fait, cette rencontre a surtout été l’occasion pour le secrétaire général de l’Organisation de la conférence islamique d’apporter son soutien au grand mufti bulgare dans son bras de fer avec un de ses coreligionnaires, Nedim Guendjev, pour le leadership dans la communauté musulmane. Dans des termes très clairs, Ekmeleddin Ihsanoglu a dit que la nomination au poste de président du Haut conseil spirituel contre la volonté de la majorité des musulmans était “inacceptable et constituait une violation de leurs droits”. Il a aussi rappelé une déclaration récente des ministres des Affaires étrangères de l’OCI qui qualifiait cette nomination “d’usurpation”. Dans cette lutte fratricide qui dure depuis une dizaine d’années, c’est Nedim Guendjev qui a pris récemment l’avantage en obtenant une décision de justice lui donnant raison dans ce que la presse bulgare appelle la “guerre des mufti”. Mais le personnage est controversé et ne semble pas avoir les sympathies de la base musulmane. Pour cause, l’homme ne cache pas son passé d’officier de renseignement dans les services secrets communistes, et ce à une période où le régime de Todor Jivkov avait entrepris une action violente et massive de “bulgarisation” des musulmans. Il a récemment même salué l’action de ses “collègues de la DANS” (la DST bulgare) qui ont fait une bruyante action contre “l’islam radical” dans plusieurs villages de montagne. Ses détracteurs ont rappelé que l’action visait surtout des fidèles de Moustafa Hadji, certains l’accusant même d’être son instigateur. Les imams, dont les maisons ont été perquisitionnées, sont suspectés d’appartenir à une branche locale de la fondation Al Wakf-Al Islami. Nedim Guedjev accuse ouvertement le grand mufti d’avoir ouvert la porte aux “sectes” et aux “extrémistes” alors que la plupart des observateurs voient dans le conflit entre les deux hommes surtout d’immenses intérêts financiers en jeu. Un bras de fer dans lequel la Turquie a clairement choisi son camp : lors de sa récente visite à Sofia, le Premier ministre turc Recep Erdogan a, lui-aussi, apporté son soutien au grand mufti Hadji en le recevant dans les locaux de l’ambassade de Turquie à Sofia. Peu auparavant, Erdogan avait exprimé son “opinion personnelle” sur le sujet : “Je pense que la communauté musulmane bulgare n’acceptera pas pour leader spirituel un individu lié au régime totalitaire”, a-t-il dit.
Wahhabites ?
A tort ou a raison, la menace de l’islam radical ressurgit régulièrement dans les Balkans, parfois brandie par des acteurs extérieurs à l’instar de certains représentants de l’Etat d’Israël qui martèlent que la région est une “porte d’entrée du terrorisme islamiste en Europe”. Parfois aussi, ce spectre se matérialise, comme c’est le cas en Bosnie-Herzégovine où les forces de police interviennent régulièrement contre les “wahhabites”, un mélange spécifique d’anciens combattants étrangers et d’allumés locaux qui agissent sur fond de pauvreté et d’absence d’Etat. Et, dans ces cas, les regards se tournent systématiquement vers l’Arabie saoudite suspectée de financer ces mouvements. Mais, et l’expérience bulgare le montre bien, dans les Balkans les chemins menant à la Mecque passent le plus souvent par Istanbul et Ankara. Ici, les diplomates occidentaux scrutent d’ailleurs davantage l’évolution du régime turc que les gesticulations des fous de Dieu.
Visuels : le jet d’eau du roi Fahd de Djeddah ; jeunes femmes musulmanes dans les Rhodopes ; Moustafa Hadji, Shabanali Ahmed et Remzi Osman au siège de l’OCI (source Arab News) ; Nedim Gendjev et Moustafa Hadji en grand mufti de Bulgarie.


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