le monde
09 décembre 2010
Comme dans le tango, en politique il faut soigner son pas en arrière. Et en décidant de boycotter le remise du prix Nobel attribué au dissident chinois Liu Xiaobo, la Serbie ne fait pas dans l’élégance. La voici de nouveau dans cet axe bâtard - qui ne s’appelle plus celui des pays “non alignés”, loin s’en faut - qui comprend des “démocraties du peuple” sud-américaines, des régimes autocratiques et des monarchies pétrolières : Russie, Cuba, Iran, Arabie saoudite, Venezuela… Mais aussi curieusement l’Ukraine, dont les dirigeants actuels ne manqueront pas aussi de payer le prix de cette défection. Car la route de l’intégration européenne ne passe certainement pas par là, non. On peut comprendre la déception exprimée par la Commission européenne qui, à l’exception notable de l’affaire Mladic, jugeait jusqu’à présent très positifs les efforts faits par la Serbie pour se rapprocher de l’UE. Rarement aussi l’explication de ce boycott aura été aussi claire : dans le texte, le ministre serbe des Affaires étrangères Vuk Jeremic, a expliqué que les relations bilatérales que son pays entretenait avec la Chine étaient plus importantes que les droits de l’homme. Un discours qui, une fois de plus, prouve l’analyse française rapportée par la correspondance diplomatique américaine, que cet homme ne représente plus le “visage moderne de la Serbie”.
Car avec cette décision, la Serbie renoue avec les pires années du régime de Slobodan Milosevic lorsque l’homme fort de Belgrade soignait ses relations avec Pékin, cherchant à briser ainsi son isolement économique et politique au sein des nations européennes. A s’enrichir aussi, en faisant venir en masse des entrepreneurs et de travailleurs chinois. Des dizaines de milliers de visas ont été attribuées à tour de bras à ceux désireux de rejoindre la Serbie, via les vols directs mis en place par le régime pour relier Pékin à Belgrade. C’est de cette période que date aussi l’idée quelque peu farfelue de Mira, l’épouse de Milosevic qui est en quelque sorte l’idéologue de cette “ouverture vers l’Est”, de créer ad hoc un “Chinatown” dans la capitale serbe. Résultat, Belgrade est devenu la plaque tournante de l’immigration clandestine chinoise en direction de l’Europe occidentale. “Nous étions sur le point d’avoir le premier magasin IKEA en Europe de l’Est et d’être les mieux placés pour rejoindre l’UE, à la place de ça nous avons eu Milosevic, la guerre et la pacotille chinoise”, ont l’habitude de dire les Belgradois pour décrire ces années-là.
Mais de cette période datent aussi quelques liens économiques solides qui, plus de dix ans plus tard, ont été transformés en “partenariat stratégique” par le gouvernement actuel. Un comité composé des représentants des deux pays a entamé en novembre 2009 des négociations sur la coopération dans différents domaines, en particulier dans ceux de l’énergie et des infrastructures. Le dernier contrat en date, porte sur la remise en état de la principale centrale électrique serbe par une compagnie chinoise - soit un marché de 1,25 milliard de dollars.
A cette idylle économique, s’ajoutent quelques précieux coups de pouce diplomatiques, comme l’opposition chinoise à l’indépendance du Kosovo - un imbroglio international dans lequel Belgrade a trouvé un allié de poids. Sur un autre plan, les liens entre certaines forces politiques serbes connues pour leur opposition à l’Occident avec le PC chinois se sont renforcées. Ainsi, fin novembre on a vu Liu Yunshan, membre du Bureau politique du Comité central du Parti communiste chinois, accueillir chaleureusement à Pékin Tomislav Nikolic, président du Parti progressiste serbe, l’héritier du Parti radical de Vojislav Seselj, jugé pour crimes contre l’humanité à La Haye.
C’est à cette lumière qu’il faut interprêter ce retour d’ascenseur de la diplomatie serbe à Pékin, sauf que cette fois-ci l’effet risque d’être autrement plus dévastateur. Parce qu’il est question de valeurs universelles, telles que les droits de l’homme, la liberté d’expression… Bref de démocratie et de dissidence, des mots qui ont toujours flotté dans l’air chargé de contradictions de Belgrade et auxquels pas mal de Serbes vouent un culte sans pareil. De toutes les réactions outrées, on retiendra celle de l’enfant terrible de la politique serbe, Cedomir Jovanovic - “Ceda” - du parti libéral, qui a dit que ce boycott était “une honte pour ce pays”.
Pressé de s’exprimer sur ce sujet, le président Boris Tadic, souvent vu comme le dernier rempart des démocrates serbes, n’a toujours pas pris position. Bombardé de questions par le quotidien populaire Blic, son cabinet s’est borné à préciser que “le Président était lui-même issu d’une famille de dissidents”. C’est là tout le paradoxe de Belgrade…*
* PS. La Serbie sera tout de même représentée à la remise du prix Nobel, affirme la radio B92 le 10 décembre. Et ce sera l’ombudsman du pays, Sasa Jankovic, qui fera le déplacement à Oslo en sa qualité “d’institution indépendante”. Selon Press online de Belgrade, le président Boris Tadic aurait également demandé la démission de Vuk Jeremic pour ne pas s’être consulté avec lui sur le dossier du prix Nobel…
Car avec cette décision, la Serbie renoue avec les pires années du régime de Slobodan Milosevic lorsque l’homme fort de Belgrade soignait ses relations avec Pékin, cherchant à briser ainsi son isolement économique et politique au sein des nations européennes. A s’enrichir aussi, en faisant venir en masse des entrepreneurs et de travailleurs chinois. Des dizaines de milliers de visas ont été attribuées à tour de bras à ceux désireux de rejoindre la Serbie, via les vols directs mis en place par le régime pour relier Pékin à Belgrade. C’est de cette période que date aussi l’idée quelque peu farfelue de Mira, l’épouse de Milosevic qui est en quelque sorte l’idéologue de cette “ouverture vers l’Est”, de créer ad hoc un “Chinatown” dans la capitale serbe. Résultat, Belgrade est devenu la plaque tournante de l’immigration clandestine chinoise en direction de l’Europe occidentale. “Nous étions sur le point d’avoir le premier magasin IKEA en Europe de l’Est et d’être les mieux placés pour rejoindre l’UE, à la place de ça nous avons eu Milosevic, la guerre et la pacotille chinoise”, ont l’habitude de dire les Belgradois pour décrire ces années-là.
Mais de cette période datent aussi quelques liens économiques solides qui, plus de dix ans plus tard, ont été transformés en “partenariat stratégique” par le gouvernement actuel. Un comité composé des représentants des deux pays a entamé en novembre 2009 des négociations sur la coopération dans différents domaines, en particulier dans ceux de l’énergie et des infrastructures. Le dernier contrat en date, porte sur la remise en état de la principale centrale électrique serbe par une compagnie chinoise - soit un marché de 1,25 milliard de dollars.
A cette idylle économique, s’ajoutent quelques précieux coups de pouce diplomatiques, comme l’opposition chinoise à l’indépendance du Kosovo - un imbroglio international dans lequel Belgrade a trouvé un allié de poids. Sur un autre plan, les liens entre certaines forces politiques serbes connues pour leur opposition à l’Occident avec le PC chinois se sont renforcées. Ainsi, fin novembre on a vu Liu Yunshan, membre du Bureau politique du Comité central du Parti communiste chinois, accueillir chaleureusement à Pékin Tomislav Nikolic, président du Parti progressiste serbe, l’héritier du Parti radical de Vojislav Seselj, jugé pour crimes contre l’humanité à La Haye.
C’est à cette lumière qu’il faut interprêter ce retour d’ascenseur de la diplomatie serbe à Pékin, sauf que cette fois-ci l’effet risque d’être autrement plus dévastateur. Parce qu’il est question de valeurs universelles, telles que les droits de l’homme, la liberté d’expression… Bref de démocratie et de dissidence, des mots qui ont toujours flotté dans l’air chargé de contradictions de Belgrade et auxquels pas mal de Serbes vouent un culte sans pareil. De toutes les réactions outrées, on retiendra celle de l’enfant terrible de la politique serbe, Cedomir Jovanovic - “Ceda” - du parti libéral, qui a dit que ce boycott était “une honte pour ce pays”.
Pressé de s’exprimer sur ce sujet, le président Boris Tadic, souvent vu comme le dernier rempart des démocrates serbes, n’a toujours pas pris position. Bombardé de questions par le quotidien populaire Blic, son cabinet s’est borné à préciser que “le Président était lui-même issu d’une famille de dissidents”. C’est là tout le paradoxe de Belgrade…*
* PS. La Serbie sera tout de même représentée à la remise du prix Nobel, affirme la radio B92 le 10 décembre. Et ce sera l’ombudsman du pays, Sasa Jankovic, qui fera le déplacement à Oslo en sa qualité “d’institution indépendante”. Selon Press online de Belgrade, le président Boris Tadic aurait également demandé la démission de Vuk Jeremic pour ne pas s’être consulté avec lui sur le dossier du prix Nobel…
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