
le monde
L’arrivée d’un chef d’Etat russe est toujours un événement un Bulgarie. Surtout lorsqu’il s’appelle Vladimir Poutine - peu importe qu’il soit désormais Premier ministre et non plus Président. Et tant que tel, Vladimir Poutine est venu à deux reprises, en 2003 et 2008, et à chaque fois il a été question d’énergie et d’hydrocarbures, la Russie étant le principal fournisseur de la Bulgarie à la fois en gaz, pétrole mais aussi d’uranium enrichi pour sa centrale nucléaire de Kozloduï. La visite du 13 novembre ne va pas déroger à la règle : on attend à cette occasion que Sofia se rallie, enfin, au projet de South Stream, ce gazoduc destiné à acheminer du gaz russe à l’Europe en contournant l’Ukraine et les turbulences que l’on sait. Il y sera certainement aussi question de Béléné, la nouvelle centrale nucléaire, dont le précédent gouvernement avait confié la construction à une entreprise russe, un projet évalué à plus de quatre milliards d’euros à l’époque que Boïko Borissov s’est empressé de geler une fois arrivé au pouvoir il y a un an et demi. Dans les cartons il y aussi ce projet d’oléoduc, Bourgas-Alexandroupolis - mais qui semble mal engagé à cause notamment des réserves des écologistes.
“Poutine ne se déplace jamais pour rien”, dit-on à Sofia où certains craignent que, après les gesticulations de début de mandat, le gouvernement Borissov ne refasse exactement la même chose que ses prédécesseurs socialistes. A savoir perpétuer la dépendance énergétique totale de la Bulgarie vis-à-vis de son ancienne puissance tutélaire. Certains commentateurs bulgares parlent d’un nouveau “grand chelem” russe ; mais c’est du côté de la presse moscovite qu’est venu le verdict le plus cruel sur cette visite : “Poutine vient assister en personne à la capitulation de la Bulgarie”, a écrit Vremia Novosteï en référence au projet de South Stream. Ce gazoduc, souvent présenté comme concurrent au projet européen Nabucco, passera finalement par la Bulgarie malgré le réserves exprimées par Sofia. Pour cela, il aura fallu que Moscou agite la menace de faire passer le tronçon par la Roumanie - ce que Bucarest a applaudi de suite - pour que les Bulgares changent d’avis. Personne n’est insensible aux espèces sonnantes et trébuchantes hic et nunc que représente ce projet pour le pays qui l’accueille ; et l’alternative Nabucco reste, pour l’instant, “juste un nom d’opéra”, comme l’a joliment dit un jour le patron de Gazprom, Alexei Miller.
L’affaire de la nouvelle centrale nucléaire Béléné est encore plus coton. Le projet de construction et d’équipement a été confié à Atomstroïexport, une filiale de Gazprom, par le gouvernement de Sergueï Stanichev qui se targuait d’avoir aussi pu associer un partenaire allemand et français à ce projet pharaonique dont le coût a doublé depuis (entre 5 et 10 milliards d’euros). Mais les partenaires européens se sont rétractés et les Bulgares sont très partagés sur l’opportunité de poursuivre ce projet dans les conditions de quasi-monopole russe, à la fois pour construction, mais aussi pour la livraison et le retraitement du combustible nucléaire. Officiellement, cette question n’est pas inscrite à l’agenda des discussions bulgaro-russes ; mais la présence dans la délégation russe du patron du consortium d’Etat à l’énergie nucléaire (RosAtom), Sergueï Kirienko, indique que la Russie tient toujours à ce projet de centrale nucléaire qui, s’il est réalisé, signera le grand retour des russes sur le sol européen après la catastrophe de Tchernobyl. Et pour cela, il comptent beaucoup sur la Bulgarie, un pays qu’un ambassadeur russe à Bruxelles a qualifié de “cheval de Troie russe dans l’UE, dans le bon sens tu terme, bien-sûr”.
Le cheval est-il toujours aussi docile que du temps de l’URSS ? Selon le jeune ministre des Affaires étrangères bulgares, Nikolaï Mladenov, les relations avec le grand voisin doivent être aujourd’hui “pragmatiques” et “dépassionnées”. Avec cette visite, Sofia espère aussi obtenir une réduction du prix du gaz russe, ce à quoi Gazprom a déjà répondu par le passé que ses tarifs pour la Bulgarie étaient préférentiels - s’étonnant au passage que le prix facturé aux ménages était nettement supérieur au sien, mettant ainsi en cause les nombreuses entreprises intermédiaires sur place. En clair, que les Bulgares se débrouillent tous seuls face à la “mafia de l’énergie”. Habitué des coups de menton sur la scène internationale, Boïko Borissov n’aime pas non plus qu’on le présente en position d’infériorité. Il a mis en avant la relation cordiale, d’homme à homme si ce n’est d’égal à égal, qu’il entretient avec Poutine qui l’appelle au téléphone en lui demandant : “Ca va, mon frère ?”. Il a aussi promis d’ouvrir de nouveau l’immense marché russe aux produits alimentaires bulgares, jadis un must pour les tables des Soviétiques lambda (les caciques rouges avaient des goûts plus raffinés). “En Russie, la Bulgarie avait le meilleur marché pour sa mayonnaise, son ketchup, ses tomates, son tabac et ses vins. Aujourd’hui, les Moscovites boivent des vins français et ont oublié nos produits”, s’est plaint Borissov.
Vins et ketchup donc contre hydrocarbures et uranium… Si c’était aussi simple ! La poignée de militants des droits de l’homme et d’écologistes qui attendent de pied ferme Poutine sur son parcours à Sofia, voient un peu autrement la Russie. Ils y dénoncent la “poutinisation” du pays, demandent justice pour le meurtre de la journaliste Ana Politkovskaïa et s’interrogent sur cette “nouvelle dépendance” de la Bulgarie envers son grand voisin. Peut-être qu’ils se souviennent aussi de cette phrase de Vladimir Poutine, étrangement semblable à l’équation bulgare, une sorte de compliment fait il y a quelques années de cela aux Ukrainiens. “Nous sommes deux peuples frères. Vous nous donnez du lard et de gorilka (la vodka au piment locale), nous du gaz et du pétrole”, avait-il déclaré. C’était avant les guerres du gaz et le retour de l’Ukraine dans le giron russe.
Photos de Krassimir Ioukseliev, du quotidien Dnevnik .
“Poutine ne se déplace jamais pour rien”, dit-on à Sofia où certains craignent que, après les gesticulations de début de mandat, le gouvernement Borissov ne refasse exactement la même chose que ses prédécesseurs socialistes. A savoir perpétuer la dépendance énergétique totale de la Bulgarie vis-à-vis de son ancienne puissance tutélaire. Certains commentateurs bulgares parlent d’un nouveau “grand chelem” russe ; mais c’est du côté de la presse moscovite qu’est venu le verdict le plus cruel sur cette visite : “Poutine vient assister en personne à la capitulation de la Bulgarie”, a écrit Vremia Novosteï en référence au projet de South Stream. Ce gazoduc, souvent présenté comme concurrent au projet européen Nabucco, passera finalement par la Bulgarie malgré le réserves exprimées par Sofia. Pour cela, il aura fallu que Moscou agite la menace de faire passer le tronçon par la Roumanie - ce que Bucarest a applaudi de suite - pour que les Bulgares changent d’avis. Personne n’est insensible aux espèces sonnantes et trébuchantes hic et nunc que représente ce projet pour le pays qui l’accueille ; et l’alternative Nabucco reste, pour l’instant, “juste un nom d’opéra”, comme l’a joliment dit un jour le patron de Gazprom, Alexei Miller.
L’affaire de la nouvelle centrale nucléaire Béléné est encore plus coton. Le projet de construction et d’équipement a été confié à Atomstroïexport, une filiale de Gazprom, par le gouvernement de Sergueï Stanichev qui se targuait d’avoir aussi pu associer un partenaire allemand et français à ce projet pharaonique dont le coût a doublé depuis (entre 5 et 10 milliards d’euros). Mais les partenaires européens se sont rétractés et les Bulgares sont très partagés sur l’opportunité de poursuivre ce projet dans les conditions de quasi-monopole russe, à la fois pour construction, mais aussi pour la livraison et le retraitement du combustible nucléaire. Officiellement, cette question n’est pas inscrite à l’agenda des discussions bulgaro-russes ; mais la présence dans la délégation russe du patron du consortium d’Etat à l’énergie nucléaire (RosAtom), Sergueï Kirienko, indique que la Russie tient toujours à ce projet de centrale nucléaire qui, s’il est réalisé, signera le grand retour des russes sur le sol européen après la catastrophe de Tchernobyl. Et pour cela, il comptent beaucoup sur la Bulgarie, un pays qu’un ambassadeur russe à Bruxelles a qualifié de “cheval de Troie russe dans l’UE, dans le bon sens tu terme, bien-sûr”.
Le cheval est-il toujours aussi docile que du temps de l’URSS ? Selon le jeune ministre des Affaires étrangères bulgares, Nikolaï Mladenov, les relations avec le grand voisin doivent être aujourd’hui “pragmatiques” et “dépassionnées”. Avec cette visite, Sofia espère aussi obtenir une réduction du prix du gaz russe, ce à quoi Gazprom a déjà répondu par le passé que ses tarifs pour la Bulgarie étaient préférentiels - s’étonnant au passage que le prix facturé aux ménages était nettement supérieur au sien, mettant ainsi en cause les nombreuses entreprises intermédiaires sur place. En clair, que les Bulgares se débrouillent tous seuls face à la “mafia de l’énergie”. Habitué des coups de menton sur la scène internationale, Boïko Borissov n’aime pas non plus qu’on le présente en position d’infériorité. Il a mis en avant la relation cordiale, d’homme à homme si ce n’est d’égal à égal, qu’il entretient avec Poutine qui l’appelle au téléphone en lui demandant : “Ca va, mon frère ?”. Il a aussi promis d’ouvrir de nouveau l’immense marché russe aux produits alimentaires bulgares, jadis un must pour les tables des Soviétiques lambda (les caciques rouges avaient des goûts plus raffinés). “En Russie, la Bulgarie avait le meilleur marché pour sa mayonnaise, son ketchup, ses tomates, son tabac et ses vins. Aujourd’hui, les Moscovites boivent des vins français et ont oublié nos produits”, s’est plaint Borissov.
Vins et ketchup donc contre hydrocarbures et uranium… Si c’était aussi simple ! La poignée de militants des droits de l’homme et d’écologistes qui attendent de pied ferme Poutine sur son parcours à Sofia, voient un peu autrement la Russie. Ils y dénoncent la “poutinisation” du pays, demandent justice pour le meurtre de la journaliste Ana Politkovskaïa et s’interrogent sur cette “nouvelle dépendance” de la Bulgarie envers son grand voisin. Peut-être qu’ils se souviennent aussi de cette phrase de Vladimir Poutine, étrangement semblable à l’équation bulgare, une sorte de compliment fait il y a quelques années de cela aux Ukrainiens. “Nous sommes deux peuples frères. Vous nous donnez du lard et de gorilka (la vodka au piment locale), nous du gaz et du pétrole”, avait-il déclaré. C’était avant les guerres du gaz et le retour de l’Ukraine dans le giron russe.
Photos de Krassimir Ioukseliev, du quotidien Dnevnik .
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